« On s’est habituées à tout ça ! »
Assina
Centre social de Clichy-sous-Bois
Ce qu’on voudrait dans l’absolu, c’est être libre. Libre de ne pas être jugée si on sort en jupe, ou avec une cigarette à la main. Mais l’habitude a pris le dessus.
Ne pas sortir en jupe, ne pas mettre de maquillage, ne pas sortir le soir… On s’est habituées à tout ça… Ce qui serait bizarre, c’est que ça change !
Je sors très peu de la cité. Je vais juste au centre social, et c’est parce que c’est entre filles. Je ne vais pas me maquiller pour aller en bas de chez moi ou à la boulangerie. En vacances, quand je suis loin d’ici et des gens que je connais, je me libère de tout ça. Je mets des shorts courts par exemple.
Et si je le faisais ici, je pense que mon mari me l’interdirait parce qu’il a aussi grandi comme ça, dans ce quartier… Il connait la mentalité. Et je ne me sentirais pas à l’aise non plus parce que je me suis habituée à ça.
Les hommes se sentent plus libres que nous ici, ça, c’est sûr. Ils ont le droit de tout faire. Ce n’est pas que je trouve ça normal, mais disons que l’habitude a pris le dessus.
Ça reste normal maintenant pour nous, même si je sais que ce n’est pas normal.
Ce qui faudrait commencer par changer, c’est la mentalité des Clichois, parce qu’ils ont quand même une mentalité spéciale d’après moi. Je dirais qu’ils sont un peu arriérés, avec une mentalité à l‘ancienne…. Rien n’a jamais changé depuis plusieurs générations, et personne ne s’est révolté !
On n’a pas tenté le changement, et c’est resté comme ça. Puis du coup on s’est habituées à ça.
Aujourd’hui, j’ai peur de reproduire ces réflexes sexistes.
Par exemple, je préfère que mes fils soient derrière mes filles pour les surveiller, ça me rassure. J’ai l’impression qu’ils forment une sorte de carapace, qui assure leur protection… Et même si c’est faux, cette idée s’est ancrée dans ma tête. C’est dans ma mentalité.
Et pourtant, je sais qu’il faut essayer de changer cela, car sinon rien ne changera.
Ce n’est pas en se cachant et en s’enfermant qu’on se protège. Les choses doivent changer.