« Affronter le sexisme sans renier ma féminité »
Charifa – France
Je vais tout simplement raconter la dernière histoire qui m’est arrivée, parce que le sexisme, c’est tous les jours qu’on se le prend dans la face.
Cette fois, c’était au travail, il y a quelques jours. Je fais un métier que j’adore et qui consiste à donner la parole aux gens en animant des débats publics. Et mon boulot ne consiste pas juste à tenir un micro dans la salle. Je suis aussi chargée de toute la mobilisation, puis de chercher la parole dans la salle. Ce jour-là, nous animions un grand débat à Toulouse. Quelqu’un lève la main. Je me dis : « tiens, super ! Il veut prendre la parole, il veut jouer le jeu de la démocratie ».
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Sois tu es la godiche, soit tu es la féministe de service avec une toile d’araignée entre les jambes
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J’y vais. Un jeune homme d’une trentaine d’année, plutôt beau gosse, cheveux longs au vent façon gars du sud-ouest, regard ténébreux et tout… Sa façon de me parler est très bizarre puisque il commence par me demander : « vous êtes une femme ? Vous faites partie de l’organisation ? » Et là, pragmatique, je réponds bêtement oui. Parce qu’il faut dire qu’il avait tout bon : je suis effectivement une femme, et je fais bien partie de l’organisation (rires). Un peu surprise, je lui dis : « et vous, voulez-vous vous exprimez pour ce débat ? » « Ah non, non, non… Je ne veux pas spécialement m’exprimer, me répond-il. Par contre, je me disais que comme vous êtes une femme, vous deviez connaitre le menu de ce midi. Qu’est-ce qu’on mange à midi ? (rires) » Celle-là, je ne l’avais pas vu venir ! (rires)
Je me suis demandée ce que je lui répondais. « Est-ce que je l’insulte ? Je ne peux pas, et en même temps je ne suis pas comme ça. Est-ce que je cours pour aller demander le menu et me renseigner pour lui, histoire de satisfaire toute l’assemblée, même les cons… ? » (rires) Au final, ça a fait un tour dans ma tête, et en fait je me suis plutôt dit qu’il fallait que je lui explique. « Je suis une femme, certes. En effet, je fais partie de l’organisation. Mais mon métier dans cette salle c’est journaliste, pas cuisinière. Moi, je cherche les préoccupations des uns et des autres pour leur donner la parole. Alors j’estime que le menu est secondaire. Mais si réellement vous voulez savoir, vous pouvez aller vous renseigner auprès du traiteur de l’équipe. » Et là, le mec n’a même pas pris la peine de me répondre. Il a juste balancé sa pauvre mèche de l’autre côté (rires) et m’a complètement ignorée, telle une pauvre bonne femme qui ne faisait que son métier et qui était incapable de lui donner le menu… ! J’ai halluciné ! Son copain l’a quand même vanné…
La difficulté quand on est une femme, c’est accepter que des situations sexistes puissent se présenter au travail et de parvenir à les dépasser, sans renier sa féminité. Parce que, y’a pas a tortiller, j’ai une paire de nichons, et j’aurai beau essayer de nier ou de vouloir qu’on me regarde autrement, je resterai une fille. J’ai beau bataillé pour faire juste mon travail, sans qu’on me range dans une case, c’est peine perdue. Sois tu es la godiche, soit tu es la féministe de service avec une toile d’araignée entre les jambes…Alors moi, rester femme au boulot, c’est une sorte de sport mental que je m’applique quotidiennement pour ne pas être aigrie.