Février 2012. À la veille du premier tour, la tension est à son comble dans les rues de Dakar et l’élection présidentielle est sur toutes les lèvres. Pas un foyer ni une boutique qui n’ait en permanence télévision ou radio allumée, voire les deux, pour se tenir au courant de l’évolution quotidienne des événements.
Il faut dire que le ton entre les manifestants, qui s’opposent à la participation d’Abdoulaye Wade au scrutin, et les forces de l’ordre, est largement monté d’un cran à quelques jours du vote. Et pour cause, le président Abdoulaye Wade brigue un troisième mandat, au mépris de la Constitution qui limite leur nombre à deux. Les Sénégalais, épris et fiers de leur démocratie, ne l’entendent alors pas de cette oreille. Voilà plusieurs semaines qu’ils sont sortis manifester dans les rues de la capitale pour exprimer une colère qui ne date pas d’hier. Excédés par les coupures de courant, le coût de la vie et les scandales politiques à répétition, le peuple semble réclamer un changement imminent.
Conscient de la colère du peuple, celui que l’on surnomme « le vieux » a alors interdit toute manifestation dans une bonne partie de la capitale. Tous les accès menant au palais présidentiel sont bloqués par les forces de l’ordre et la symbolique place de l’Indépendance est en état de siège depuis une semaine. Les forces de l’ordre ferment routes et bureaux à partir de 15 heures afin d’empêcher l’accès des manifestants au palais présidentiel. Pourtant, l’opposition et la société civile revendiquent leur droit, érigé dans la constitution par Abdoulaye Wade lui-même, de manifester en période électorale quel que soit le lieu. Chaque jour, opposants et manifestants tentent donc d’accéder à cette place emblématique.
Cet acharnement du peuple est alors réprimé dans le sang. En quelques semaines à peine, on compte 15 morts et 529 blessés. Dans ce pays faisant figure d’« exception africaine » pour son pacifisme, civils, manifestants, opposants et journalistes ont été la cible de policiers et militaires qui semblaient, eux-mêmes, dépassés par la situation.
Un reportage qui m’a aussi valu une jolie balle blanche dans la cuisse par de gentils policiers en pleine interview, et une belle leçon de terrain.