« Le machisme au volant est insupportable »
Valérie – France
Le machisme au volant, c’est le sexisme ordinaire par excellence. Je trouve qu’on en parle assez peu alors que, comme les mains aux fesses dans le métro, rien n’a changé depuis ma jeunesse.
J’ai 55 ans, j’ai mon permis depuis 35 ans, et je conduis depuis autant de temps, tous les jours, à Paris et en banlieue parisienne. Et je peux dire que c’est coton. J’ai dû éviter une centaine d’accidents. Quand ça se passe, des types baissent leur vitre et m’insultent régulièrement de sale pute ou de folle au volant. Ou sinon on se moque de moi en me demandant si je me remaquillais encore ou si j’ai couché par avoir mon permis… Ce sont des trucs qui ne volent pas haut, qui ne sont pas très graves mais qui vous mettent les larmes aux yeux et la rage au ventre. Tu te dis aussi que c’est dégueulasse parce qu’à ton mari, on lui a jamais fait ce genre de réflexions, alors que pourtant il a aussi évité beaucoup d’accrochages. Quand ils font des erreurs de conduite, on ne leur dit pas la même chose, on ne te ramène pas à ta conduite de femme qui conduit et qui se remaquille. Mais le pire, c’est d’avoir à remplir un constat avec ce genre d’énergumènes. Il faut avoir du caractère et connaitre un peu les assurances, parce qu’ils sont généralement agressifs et peuvent t’obliger à mettre des croix là où tu ne veux pas en mettre, ou te tromper parce que tu es déstabilisée par l’agressivité du type. C’est déjà arrivé à plusieurs copines. Et s’ils sont deux, ça peut être encore plus intimidant. Une fois, je me rappelle ils étaient trois ou quatre, ils m’insultaient et ils faisaient tout pour m’impressionner. J’ai préféré partir, prendre leur plaque et laisser tomber sur le moment pour ne pas risquer autre chose. Je me rappelle de les avoir entendus se moquer de moi quand je partais, fiers de m’avoir fait peur. Et je les entendais encore rire la nuit dans ma tête… parce que c’est super vexant et super frustrant. Je ne parle même pas de ton mari qui n’est pas macho mais qui te demande malgré tout quand tu rentres « ce que tu as encore foutu ». Et puis il y a aussi le garagiste, toujours un homme bien sûr, qui te regarde d’un air suspicieux.
C’est désespérant de voir que rien n’a changé depuis que j’ai 20 ans. A l’auto-école, quand je faisais une marche arrière, le moniteur en profitait toujours pour me mettre une main sur la cuisse ou tenter un geste lourd. Je me rappelle que j’allais aux cours de conduite à reculons en me demandant à chaque fois ce qui allait encore se passer. Mais je n’avais pas le choix, je voulais mon permis ! Il faut dire qu’il n’y avait que des mecs examinateurs ou moniteurs d’auto-école, mais aujourd’hui je constate que ça n’a pas beaucoup changé. Je me rappelle qu’il m’avait aussi dit que « comme j’étais une femme, ce n’était pas grave si je n’étais pas très bonne ou si je ne l’avais pas du premier coup, puisque de toute façon, en tant que femme, je conduirais moins qu’un homme au quotidien ». Parce que je travaillerais moins, que j’aurais des enfants… enfin des foutaises quoi ! A 20 ans, j’imaginais que ça passerait avec l’âge. Je pensais que quand j’aurais 55 ans, les hommes auraient davantage de respect ou que les mentalités auraient évolué… Mais non, c’est toujours pareil en fait. Et ce n’est pas une question de générations. Les jeunes cons sont malheureusement aussi cons que les vieux cons ! (rires)
Pour conclure, je voudrais dire que le machisme au volant c’est insupportable. Ca fait partie de toutes ces petites frustrations que nous, femmes nous subissons. On parle peu du machisme au volant mais c’est aussi insupportable que quelqu’un devant lequel tu passes dans la rue et qui te fait « psss psss » comme les chiens, ou qu’on te fait des clins d’œil… c’est des insultes et des moqueries permanentes.
Ce que j’aimerais dire, c’est que c’est insupportable d’être traitée comme une éternelle gamine.