« Ne pas s’oublier dans le couple »

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« Ne pas s’oublier dans le couple »

Simone – France

J’ai envie de parler d’une histoire d’amour difficile que j’ai vécue avec un homme pendant 5 ans, qui m’a fait réaliser qu’il existait en effet toujours un machisme ordinaire.

L’homme et la femme, historiquement, ont toujours eu des rôles différents au sein du couple et de la famille, et il y a des idées qui perdurent, malgré les évolutions de la société. Les schémas se reproduisent, les façons de penser se transmettent, surtout avec des hommes et des femmes qui ont reçu une éducation « à l’ancienne ».

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Bêtement, par amour, j’ai commencé à remettre en question ma façon de vivre, en me disant que c’était pour le bien de notre couple. Tout ça m’a poussé à faire plus d’efforts pour progressivement à m’oublier… et devenir une personne que je n’étais plus.

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La première anecdote assez parlante, c’est quand je suis allée rendre visite à sa mère pour la première fois. Je suis arrivée au moment où elle faisait son repassage. Elle me disait qu’elle avait mal au bras, mais que malgré tout, il fallait qu’elle repasse les affaires de son autre fils, qui avait mon âge, avec qui j’étais au collège et que je connaissais donc très bien. Et là, ma belle-mère m’a demandé de repasser le linge du frère de mon copain ! J’ai été un peu gênée. Je lui ai expliqué que j’estimais qu’il était tout à fait capable de repasser ses chemises, et que ce n’était ni à sa mère, ni à moi, de le faire. Et là, elle s’est énervée d’un coup contre moi, en disant que « c’était inadmissible qu’aujourd’hui, les femmes ne fassent plus leur boulot », qu’elle avait « mal au bras » et que « la moindre des choses », c’était que je l’aide. Que son fils, de toute façon, ne ferait pas son repassage, que ce n’était pas à lui de le faire. On s’est pris le chou jusqu’à ce que ce jeune homme arrive dans la maison et explique à sa mère que non, dans tous les cas, il ne repasserait pas ses vêtements lui-même. Là, j’ai compris que ces idées-là pouvaient toujours se transmettre. Elle avait même conclu vulgairement : « Les femmes aujourd’hui ne savent plus qu’écarter leurs jambes, elles ne savent plus s’occuper de leurs hommes ». Une entrée en la matière plutôt violente donc.

Moi, on ne m’a absolument pas éduquée comme ça, et ma mère ne m’a jamais appris qu’une femme devait se comporter comme ci, ou faire ça. Avec mes copains, on avait tous la même façon de penser la vie, l’amour, le couple, le travail ou les relations hommes-femmes. Et je suis devenue quelqu’un d’indépendante, qui travaille et qui subvient à ses besoins de façon tout à fait normale. Dans mes relations précédentes, ça ne posait pas de problème. Jusqu’à ma rencontre avec cet homme, qui m’a progressivement poussée à remettre en question la femme que j’étais. Sur le coup, je n’avais pas perçu son côté machiste, c’est bien ça le problème.

Pour commencer, il estimait que c’était bizarre pour une femme d’avoir autant d’amis hommes. Selon lui, les amitiés hommes-femmes n’existaient pas et il supposait que j’avais des relations ambigües avec mes amis masculins. De façon générale, en tant que nana, il estimait que je sortais trop souvent, que j’étais trop indépendante et que j’avais « beaucoup trop envie de voyager ». Il a essayé de m’apprendre comment je devais me comporter, « dans un couple, pour que ça fonctionne ». Du coup bêtement, par amour, j’ai commencé à remettre en question ma façon de vivre, en me disant que c’était pour le bien de notre couple. Tout ça m’a poussée à faire plus d’efforts pour progressivement à m’oublier… et devenir une personne que je n’étais plus. Mais ce n’était jamais assez. Je n’étais jamais « la femme qu’il faut ». Une femme qui sort, qui boit et fume parfois du cannabis et qui est autant investie dans sa carrière professionnelle n’était pas pour lui une femme équilibrée. Du coup, il s’est permis d’affirmer que je ne méritais pas d’être maman. Il m’expliquait, sans gêne, que je n’étais « pas apte à avoir des enfants » parce que je ne lui montrais pas que j’étais « une femme bien ». Et ça, ça m’a fait beaucoup de mal. Je me suis mise à culpabiliser d’être ce que j’étais. Même s’il s’excusait de l’avoir dit, sa façon de penser ne changeait pas.

J’essayais de faire en sorte de faire bien les choses pour ne pas me faire gronder. J’essayais d’être « une femme bien ». Un exemple à la con : il est parti un jour faire des courses avec son fils, et comme on partageait les tâches ménagères, il m’a demandé de faire la vaisselle pendant ce temps-là. Moi j’ai un petit peu traîné, c’était le matin, et quand j’ai commencé à faire la vaisselle, il était tard. Quand j’ai entendu une voiture arriver, l’angoisse est montée très violemment, mon cœur s’est mis à battre à je ne sais pas combien à l’heure. J’ai vraiment flippé et j’ai commencé à faire la vaisselle rapidement, au cas où il arrivait. Pour être là, à mon poste de travail. Pour lui prouver que je faisais les choses bien. Ça, c’était un gros stress. Puis, j’ai pris conscience que j’obéissais à un truc qui ne me correspondait pas, et progressivement ça devenait un sentiment de souffrance. Au sein du couple aussi, je me devais de faire l’amour pour le satisfaire. C’était un devoir conjugal, et je devais faire des efforts quand je n’en avais pas envie. Puis petit à petit, j’ai commencé à me soustraire à ce genre de choses, et je me suis perdue. Il jouait beaucoup sur la culpabilisation. Et forcément, ça pousse à cacher certaines choses ou à mentir. J’avais un sentiment de complet décalage avec moi-même, de non-respect de ma propre personne, mais toujours contrebalancé par l’amour que tu peux porter à l’autre. Tu laisses passer tes émotions, tu occultes énormément, et tu espères toujours que la personne va changer.

Le petit feu intérieur commençait à s’éteindre, et je prenais conscience que j’étais en danger.

Mes amis, ma famille, prenaient conscience petit à petit que je vivais quelque chose qui ne m’épanouissait pas du tout et qui était nocif. Et aujourd’hui, je réalise que cette peur n’était pas normale du tout. Le déclic s’est fait avec un thérapeute, à qui j’ai fait appel désespérée, six ou huit mois avant que je me sépare de lui. Je me suis aperçue qu’il y avait des hommes avec qui je pouvais être moi-même, dire ce que je pensais et être appréciée à ma juste valeur. Avec eux, la femme que j’étais n’était pas remise en question. A partir de là, je me suis dit que ce n’était plus possible, et je l’ai enfin quitté.

On a quand même la chance d’être dans une société où les choses ont pas mal évolué. Et je pense que c’est important que les femmes ne remettent pas en question l’égalité dont elles ont pu jouir. J’aimerais dire aux femmes de ne pas se brider et de ne pas s’empêcher d’être les femmes qu’elles sont pour correspondre à une image biaisée de la femme.

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