« Mon père n’a pas dénoncé une tentative de viol que j’ai subie »
Najouae – Maroc
J’avais 9 ans. On venait d’emménager dans une nouvelle maison et un électricien faisait des travaux chez nous. J’étais fascinée de le voir manipuler l’électricité sans se faire mal et je le regardais travailler pendant des heures.
Un jour, mes parents étaient à l’étage et moi j’étais en bas, à scruter chacun de ses mouvements. Le monsieur s’est approché de moi pour me dire : « fais un bisou à tonton ». Pour moi c’était anodin, alors je suis venue lui faire un bisou sur la joue. Mais à ce moment-là, il a tourné la tête et a commencé à essayer de m’embrasser et de me toucher. Une voix dans ma tête me disait que ce que le monsieur faisait n’était pas normal… Alors j’ai crié et je suis allée voir ma mère pour lui raconter.
Ma mère, furieuse, est allée parler à mon père. Quand il a su, il n’a rien fait. Il lui a juste demandé une explication et le monsieur a prétendu qu’il y avait eu un court-circuit qui m’avait effrayée. Et c’est tout ce qu’il s’est passé. Il l’a laissé terminer son travail comme si de rien n’était. Quand j’ai demandé à mon père pourquoi il n’avait rien fait de plus, il m’a rétorqué : « Il n’a rien à perdre, alors que toi, tu perdras ton honneur, et nous le nôtre. Certains pourraient dire que tu n’es plus vierge, et ton avenir sera ruiné. »
Même si je garde des flashbacks de cette scène, c’est la réaction de mon père qui m’a le plus marquée. Et aussi le fait que mes parents n’aient jamais reparlé de cette histoire, sans se soucier de ce que je pouvais ressentir, et comme si je devais en avoir honte. Ils se sont tus en se disant que j’étais petite et que j’oublierais. Mais je n’ai vraiment pas oublié.
Je trouve que c’est vraiment aberrant, en tant que parent, de ne pas dénoncer le viol de sa fille juste parce qu’on a peur de ce que les autres vont dire. Je ne ferai jamais pareil si j’ai une fille. Pour moi, garder le silence face à une tentative de viol pour sauver l’honneur de la famille est un crime. »