« Depuis mon divorce, je n’ai plus de vie »

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 « Depuis mon divorce, je n’ai plus de vie »

Soumia – Maroc

Quelques mois après notre mariage, mon mari est devenu un monstre qui contrôlait tous mes faits et gestes. Je n’avais pas le droit de sortir, de parler ou de m’habiller comme je voulais. Je n’avais même pas le droit d’assister aux grandes fêtes pour les mariages de mes proches. Il cherchait tout le temps à me dominer et à me faire peur.

Lorsque je lui ai annoncé que je demandais le divorce, il m’a frappée et m’a mise à la rue avec ma petite fille de deux ans. Je suis retournée chez ma mère. Mes frères étaient très jeunes et ne travaillaient pas encore. J’ai travaillé sans relâche, en tant que coiffeuse, pour élever ma fille seule du mieux que je pouvais. Et j’ai réussi ! Aujourd’hui, j’ai mon propre salon de coiffure et ma fille est journaliste. En revanche, je n’ai jamais pu refaire ma vie. Je dirais même que ma vie ne m’appartient plus depuis mon divorce.

Depuis mes 22 ans, je suis restée seule, sans pouvoir avoir la moindre vie sociale, comme la majorité des femmes divorcées de la Medina de Salé. Être une femme qui a demandé le divorce, c’est déjà beaucoup. Alors si tu montres que tu sors, tu risques de te faire harceler ou carrément agresser. Depuis 30 ans, ma vie se limite aux salons : du salon familial au salon de coiffure (rires) !

Pourtant, j’aurais aimé me faire belle, aller au cinéma ou au café. Mais quand tu es divorcée, et que la rue le sait, tu ne peux pas faire ça. Tu ne peux pas non plus t’habiller comme les autres femmes, tu dois te couvrir davantage. Si tu sors apprêtée pour faire un tour, les voisins te traiteront de prostituée. Si tu es assise seule à la terrasse d’un café, des hommes te harcèleront car pour eux, c’est parce qu’automatiquement tu cherches à rencontrer un homme. Toutes les femmes divorcées ou célibataires qui sortent ne le font pas forcément pour rencontrer des hommes ou pour se prostituer !

Même si aujourd’hui, au Maroc, les femmes peuvent demander le divorce, en réalité elles ne sont jamais libres ! C’est injuste, car les hommes divorcés ne connaissent pas ce type de regards ou de jugements. Les gens doivent changer de mentalité. Les femmes doivent être libres de faire ce qu’elles veulent : de s’habiller comme elles veulent, d’aller boire un café, d’allumer une cigarette ou d’aller au cinéma.

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